Shame on you ! [[ Richard ]] - TERMINE

__ « Cinq mois de mise à pied. Le psy ne me croit pas suicidaire – Fais pas cette tête, je le suis pas mais ça m’aurait arrangé – du coup, ils me dégagent. Sinon j’aurai pu rester ! Bordel, j’ai plus besoin de me reposer ! Soit disant qu’ils ne veulent pas me voir trainer autour des médicaments, c’est trop tentant. On ne peut plus me faire confiance... T’imagines ?! Une fois, une toute petite fois, je fais une connerie et je me prends cinq mois de suspension... Tu me diras, c’est mieux qu’être radiée. [...] Je vais faire quoi pendant cinq mois ? Sans être payée, évidemment. Cinq moi sa mémé... » Tout l’après-midi il n’avait été question que de cela (ou presque) et elle remerciait Eve d’avoir été si à l’écoute. Comme d’habitude en fait mais pour une fois elle n’avait pas fait de commentaire douteux ou de blague vaseuse. Elle avait clairement eu peur pour Linoy et ne plus travailler ensemble les perturbait vraiment.
Tout allait mal en fait. Tout sauf AJ. Linoy avait tout raconté à Eve. Leurs disputes, leurs retrouvailles, leur première fois, les Embruns, la drogue... Tout. Cela lui avait fait beaucoup de bien de lui avouer tout ça. Pour l’instant elle et AJ étaient sur une sorte de nuage ou plutôt dans une bulle. Eve était la seule qui ne le jugeait pas mal et c’était réconfortant. Elle était donc la seule personne à laquelle elle pouvait se confier. Elle et Carrie. Il faudrait d’ailleurs qu’elle la voit.

__ « Merde, j’avais pas vu l’heure ! Faut que je file, j’ai des courses à faire et ça va fermer. Muah – Muah ! Je t’appelle vite et je te tiens au courant. T’inquiète pas, ça va aller. Promis ! » Elle fila. Elle croisa Justin en descendant et salua avant de filer dans le froid direction l’épicerie.
Elle voulait faire à AJ une pizza maison mais sans pâte, ce serait compliqué et elle ne savait pas la faire. Elle fonça donc.
SA journée s’était merveilleusement bien passée, oui, malgré la nouvelle de sa suspension. Elle l’avait très mal pris. Elle avait pleuré. Hurlé. Juré. Ensuite elle était allé voir Eve. Elle l’avait, comme toujours, aidé à relativiser. Pour le moment c’était suffisant. Ce soit elle devrait annoncer la nouvelle à AJ. Elle le ferait autour d’une pizza faite maison.
En sortant de l’épicerie en trombe elle fonça dans une jeune femme et fit tomber ses affaires. Elle ramassa le tour en s’excusant et en se relevant elle le vit. Il était là. Venant vers elle et il l’avait reconnue, évidemment, quel père ne reconnaîtrait pas sa fille dans la rue ?!
Au regard que Linoy lui lança, il savait aussi qu’elle l’avait remarqué.

__ « Et merde ! MERDE ! » La fille dans laquelle elle était rentrée la regarda d’un drôle d’air et fila en vitesse. Linoy avait presque crié. Elle se pinça la main. Son psy lui avait formellement interdit de s’énerver. Le sujet « Richard » était encore tabou et dès qu’elle lui en parlait elle finissait toujours par dire des choses qu’une jeune femme ne devrait jamais prononcer et regretter ensuite ses dires pour à nouveau les penser... Bref. C’était difficile.
Maintenant Richard était près d’elle.

__ « J’ai pas envie de te parler. » Non, puis comme elle ne pouvait pas se mettre à hurler dans la rue tout cela était encore bien plus frustrant. Les gens qui les croisaient les regardaient d’ailleurs étrangement (pour ceux qui savaient qui ils étaient).
Elle lui tourna le dos et fit quatre pas dans la direction de sa voiture pour s’éloigner de lui et refit demi-tour. Elle était spécialiste de ça.

__ « Tu te rends compte de ce que tu as fait à la famille ?! Tout le monde est au courant ! Toute la ville ! On nous pointe tous du doigt maintenant. Sarah, les petits. » Elle aussi mais elle avait l’habitude puis avec ses frasques, cela ne la dérangeait plus, mais pour les autres c’était différent.
Elle faisait tout pour chuchoter ou du moins parler doucement mais avec l’emportement, car oui, bien qu’elle ait promis, elle avait le plus grand mal à ne pas s’emporter, sa voix finissait par éclater à certaines syllabes.

Elle ne s’attendait pas à le voir et la surprise la rendait plus agressive. Son caractère faisait d’elle une personne qui n’appréciait pas vraiment les imprévus. Dans le boulot, oui, mais pas dans sa vie privée. Surtout pas dans sa vie privée qui pourtant était bien souvent mouvementée. La famille était son point de repère. Ce pendant de vie qui toujours restait calme. « Restait » car plus rien n’était comme avant depuis que Richard avait fauté.
Pourquoi l’avait-il fait ? Elle s’en fichait, tout ce qui comptait c’était qu’il l’avait fait. Qu’il se sente mal dans son couple, qu’il se sente seul, dépassé, triste... Elle s’en fichait. Elle ne voulait pas le savoir et surtout, elle ne voulait pas le plaindre. Si elle commençait à comprendre le pourquoi du comment, alors elle ne serait plus en colère et c’était tout bonnement impossible.
Malheureusement pour elle, son très cher père venait de lui demander s’ils pouvaient aller parler autre part, chez lui. Rachel l’avait mise au courant. Leur père avait désormais un « chez lui » autre que la résidence Caldwell. Rien que cela, c’était aberrant.
Au départ elle ne sut pas trop quoi faire. Elle aurait préféré aller dans un café. Souci, ce foutu journal qui allait très certainement relater toute leur conversation. Cela mettrait encore plus mal à l’aise la famille et ce n’était pas le but.
Refuser ? Oui, dans l’idéal c’était la meilleure des idées mais son psy ne serait surement pas heureux. Quand elle commençait à penser à son psy, c’était qu’elle était dans le faux.
Pour résoudre cette situation et faire en sorte qu’elle se sente mieux, il fallait parler ! Elle l’avait brièvement fait avec AJ, maintenant, c’était à son père. Cela lui faisait mal mais pour guérir il fallait parfois avaler des pilules trop grosses.
 
__ « Pas longtemps. AJ m’attend. Je dois lui faire à manger. » Comme si AJ ne savait pas se faire à dîner tout seul.
Elle n’avait pas été capable de s’empêcher de le mentionner, sachant très bien que son père ne pouvait pas le voir, ou peu. Le tenant surement responsable de si ou ça. Le responsable était pourtant Richard ! AJ était un ange depuis leur retour et plus elle pensait à lui, plus elle avait tendance à oublier tous ses problèmes.
 
__ « Je te suis. » Elle le laissa passer devant et le suivi jusqu’à son immeuble. « Un studio ». Elle-même, pourtant jeune active, ne vivait pas dans un studio car cela lui semblait bien trop lugubre. Dormir, manger, regarder la télé le tout dans la même pièce... A se flinguer. Heureusement que son père n’avait pas sa tendance à broyer du noir.
Elle le suivit donc sans parler. Une fois chez lui elle n’osa pas s’asseoir et resta plantée là. Manteau bien fermé, bonnet sur la tête, gants. Pourtant il faisait chaud mais se déshabiller signifiait rester et elle ne voulait pas que cela dure longtemps.
 

Lui fausser compagnie... Oui et non. Maintenant qu’elle avait dit qu’elle le suivait elle ne se voyait pas faire demi-tour. Elle osait à peu près lui tenir tête, lui crier dessus mais pas encore faire ce genre de chose. Elle lui avait dit oui alors elle tenait sa parole. C’était important chez eux.
Une fois au studio elle ne sut plus quoi faire. Rester planter là c’était finalement pas mal. C’était moche. Pas la déco de son père, elle le voyait bien. Pas une déco soignée non plus. Un studio pour les vacanciers les plus modestes. Des jeunes aussi très certainement à en juger par le trou de cigarette fait dans le lino juste sous son talon. Elle grimaça sans même le vouloir. C’était triste et moche. Rien à voir avec le chalet familial où les plaids, le feu de cheminée, les coussins, régnaient en maîtres. Ici le confort était spartiate. Bien fait ! Ou pas, cela la rendait mal à l’aise et malheureuse pour lui. Il méritait tout cela, certes mais le voir dans ces conditions lui déchirait le cœur parce que son père était le premier homme de sa vie.

Linoy avait marqué un point en mentionnant AJ. Son père avait même rebondit dessus. A cela, elle ne s’attendait pas. Ils étaient ici pour parler de lui, pas d’elle. En parlant d’AJ ils pourraient rebondir sur la mère de celui-ci... Problème, quand elle se mettait à parler de son petit ami on pouvait vite ne plus pouvoir en placer une et surtout l’arrêter. Son père avait toujours été son confident le plus fidèle. Cela avait-il changé ?

__ « Euh... Oui. Enfin non. Enfin si. On est amoureux. Comme toi et sa mère quoi. » Elle haussa les sourcils en se pinçant les lèvres. Sa dernière phrase avait été dite plus en marmonnant qu’autre chose. Elle n’avait pas été capable de se retenir.
Il fallait bien qu’elle lui envoie un truc dans la figure non ? C’était un minimum. Elle aurait aimé lui expliquer combien AJ était bon pour elle depuis les fêtes. Ce qu’ils partageaient. Ce qu’elle ressentait vraiment.
Cela se voyait effectivement sur son visage puisqu’elle avait bonne mine malgré la nouvelle de ses vacances forcées.

__ « Hum. » Elle retira sa parka, son écharpe et son bonnet. Ses gants. Elle posa le tout sur une chaise. Elle croisa les bras et resta debout.

__ « Si j’avais envie de parler d’AJ et de notre relation je serais restée avec Eve. C’est à toi de parler. » Est-ce que cela la regardait vraiment ? C’était avec Sarah qu’i devait s’expliquer surtout. L’avait-il fait ? Elle ne connaissait pas l’information. Elle lui demandait des comptes. Elle était adulte, elle devait comprendre pourquoi son père avait ainsi perdu la tête.

__ « Si elle te fait le même effet qu’AJ me fait, alors oui. Après tout... Tu as été amoureux d’elle à un moment donné. Ce ne serait pas une telle surprise que de voir les sentiments revenir ! » Elle avait parlé vite sans trop écouter sa réponse, du moins le début. Peut-être que les Caldwell et les Harrignton étaient faits pour tomber amoureux les uns des autres ? En plein de choses Linoy ressemblaient à son père, était-ce le cas pour AJ et Abigail ? Elle en doutait mais et si ? Cela expliquerait que Richard ait eu envie d’elle.

__ « Moi non plus... Mais ne me dit pas que ce n’est qu’une histoire de cul. Ce serait encore pire. » Si encore il était tombé amoureux d’elle... OK. Mais que pour s’envoyer en l’air, cela la dégoutait en fait. Imaginer son père... BERK. Elle était certes médecin mais il y avait des limites. Elle pouvait imaginer voir ses entrailles mais le reste... Et imaginer Abigail était encore bien pire. Cette femme était si coincée ! Elle avait donc des envies ?! Oui... Encore, forcément, mais elle.

__ « Juste pour une histoire de cul... Tu n’as pourtant plus 20 ans et elle non plus ! Pour une jeune encore... Enfin non... Franchement non, je ne comprends pas. Je retourne le truc dans ma tête encore et encore et franchement je ne comprends pas. Tu as tout à la maison ! Sarah est un ange, tes quatre enfants t’adulent... T’adulaient... Tu as tout perdu pour une histoire de « je ne sais pas comment c’est arrivé ». C’est débile ! » Oui. Quand elle ne comprenait pas cela la stressait à un tel point qu’elle n’arrivait même plus à penser à autre chose. Franchement la situation de son père était ridicule. Se taper une vieille bonne femme coincée quand on a à la maison Sarah. Perdre jusqu’à l’affection de ses enfants pour ça ! Un homme comme lui. Un homme de justice ! Le seul homme au monde qui ne commettait jamais de faute (selon elle). Là, il n’avait pas merdé qu’à moitié.

__ « Mais je ne veux même pas le savoir ! Cette femme est une ... Tu sais pourtant ce qu’elle pense de moi non ?! Tout le monde le sait ! Tu couches avec cette bonne femme qui me trouve trop nulle ou dangereuse ou je ne sais quoi, pour être avec son fils ! Et inversement d’ailleurs ! Vous êtes cinglés, tous les deux ! » Elle ne criait pas particulièrement mais tout cela la frappait tout à coup et franchement elle avait même envie de rire. C’était tellement invraisemblable. Les jeunes valaient bien mieux que leurs parents.

__ « Non, effectivement, je ne comprends pas. Pas avec elle. Pas toi. Tu t’es tapé la mère de mon petit ami ! Et tu sais depuis un certain temps ce qu’il représente pour moi. Je sais que tu l’as aimée mais ce n’est pas quelqu’un pour toi. Au mieux elle s’est servi de toi justement pour s’encanailler ! « Oooh, un homme d’une classe sociale inférieure à la mienne, un plouc ». C’est comme ça qu’elle nous voit ! » Cette garce qui pétait plus haut que son cul oui !
L’insouciance et tout le bordel, franchement, elle n’en avait que faire. Savoir que son père avait envie de tremper son biscuit autre part pour s’éclater comme quand il était jeune... Pas son truc ! A la rigueur il avait qu’à régler cela avec Sarah ou se la caler derrière l’oreille. MERDE !
Le principal souci ici était en fait, comme elle le lui avait d’ailleurs dit, qu’elle l’adulait. Le voir tomber ainsi lui était en réalité insupportable. Si lui faisait des bêtises alors qu’en serait-il d’AJ ? Si son père était capable de tromper sa bien aimer c’était que TOUS en étaient capables. Tout son monde s’écroulait.

Elle se mit à froncer les sourcils. Apprendre à connaître Abigail ?! Mais quelle idée ! Cette bonne femme ne voyait en elle que le mal et vice versa. Elles n’avaient rien en commun et Linoy n’avait aucune envie de faire des efforts... Sauf si AJ le lui demandait... Ah... AJ... Son père voulait d’ailleurs qu’elle lui parle de lui. Mais avec plaisir !
Son père continua à parler. Effectivement, qu’y avait-il de plus à dire ? Elle aurait peut-être voulu qu’il s’excuse encore et encore mais en même temps une fois suffisait. Elle le connaissait et s’il l’avait fait c’était avec le cœur. Elle voulait bien encore critiquer chacune de ses actions mais elle savait qu’à un moment donné son père finirait par la remettre à sa place.
Il avait été très conciliant mais elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il ne fallait pas trop le chercher et ce, même s’il était en tort. Elle avait l’impression d’avoir eu le dernier mot et d’avoir râlé comme elle le devait, c’était le principal.

Parler d’AJ donc, pour se radoucir et mettre au jus son père. Elle était incapable de lui cacher des choses. Elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi et ou comment certains enfants cachaient à leurs parents tout un tas d’informations les concernant. Si elle voulait le faire en ce moment c’était uniquement pour l’emmerder. Cela ne fonctionnait que durant de courtes périodes. Ceci dit, elle ne parlait plus à sa mère... Oh... Chacun ses problèmes après tout mais quand les parents étaient de bons parents, il ne fallait pas les mettre de côté, la relation était trop précieuse.

__ « Il me soutient oui. J’essaie aussi. Il se « soigne ». Il a repris le sport. Il a déjà repris sa forme olympique. Il dit que non, mais j’ai bien vu le changement. » Moins essoufflé lors de leurs séances de galipettes, des abdos durs comme du bois, un corps sculpté... Bavait-elle ?! Elle ne devait pas perdre d’esprit qu’elle parlait avec son père et non une amie !

__ « Il voit son psy, moi aussi. Je suis sure qu’il sera content que je t’ai vu... » Elle lui dirait quand elle serait prête. Elle était le genre à avoir besoin de temps pour digérer les choses et là il y avait de quoi digérer. La suspension, son père. Pour elle c’était énorme.

__ « Pour ma part rien n’est moins sûr. » Il n’y avait aucune agressivité dans son ton. En réalité elle était même déçue. Elle avait envie de lui en vouloir à mort mais en le voyant la colère qu’elle avait eu était retombée doucement. Elle était toujours très fâchée mais moins et ça l’agaçait.
Elle se leva d’un bond.

__ « Je vais y aller. Te lève pas, je vais trouver la sortie, ce ne sera pas bien compliqué. Je t’appellerai, quand je serai prête. » Elle lui sourit sans trop y croire et fila.
Perdue dans ses sentiments. D'habitude c’était elle qui rendait son père chèvre, pas l’inverse !