Flash Back [Mernou]

Meredith se rappelait parfaitement : ce jour-là, elle avait rendez-vous chez sa gynécologue. Adieu le cabinet privé ultra-luxueux de New York, la gynécologue-obstétricienne qui s'était occupée d'elle pendant sa grossesse, à Whistler, était parfaite. C'était elle qui, pour son rendez-vous de contrôle deux mois après l'accouchement, avait trouvé un kyste. Totalement bénin la plupart du temps, mais elle avait tout de même fait un prélèvement, et demandé à Meredith de revenir sous un mois pour l'enlever, ne serait-ce que pour des raisons de confort. Autant dire que pendant les trois jours où Meredith avait attendu les résultats, le temps avait paru long, d'autant qu'elle n'avait pas jugé utile de prévenir Bennet tout de suite pour ne pas l'angoisser pour rien. C'était ainsi qu'un mois plus tard, elle avait à nouveau eu rendez-vous. Comment oublier ce qui s'était passé alors ? La gynécologue avait retiré le kyste, puis souhaité faire une petite échographie de contrôle pour vérifier que tout était par ailleurs normal.
Là, tandis qu'elle était allongée sur la table d'échographie, la gynécologue s'était mise à lui demander, l'air de rien, si elle avait repris une vie sexuelle régulière avec son époux. Réponse positive, évidemment, qui avait entraîné un regard indéfinissable de la praticienne de santé. Et puis, finalement, ces quelques mots qui avaient tout changé : "J'ai une nouvelle à vous annoncer. Bonne ou mauvaise ... ce sera à vous de décider. Vous êtes enceinte." Sur le coup, Meredith avait été un peu trop surprise pour réagir, puis elle avait demandé confirmation : "Mais vous en êtes certaine ?" "Il n'y a aucun doute." La discussion avait continué ainsi, jusqu'à ce que Meredith intègre complètement le fait que oui, on pouvait retomber enceinte très rapidement, d'où la nécessité de se protéger dès les premiers rapports après l'accouchement, et que oui, elle attendait un deuxième enfant.
En rentrant chez elle, bien trop choquée pour envisager de travailler, elle s'était rendue dans la nursery, et avait passé de longues, très longues minutes, à observer Rose qui dormait paisiblement dans le berceau en bois d'olivier qui lui avait été offert par son grand-père, et qui avait été autrefois celui de son père. Rose ... Rose qui était si petite, qui souvent encore s'endormait dans ses bras, comme ça, d'un seul coup, sa petite tête retombant tandis que son souffle changeait de rythme. Rose qu'elle n'allaitait plus depuis deux semaines, mais qui essayait encore parfois de trouver ses seins à travers les corsages. Rose était trop petite pour devenir grande soeur. Et pourtant ... Meredith ne savait pas ce que Bennet dirait, mais elle ... au fond d'elle, elle se rendait compte qu'elle avait envie de ce bébé, comme de Rose. Leur famille parfaite. Elle était encore avec Rose quand Bennet s'était fait entendre, hurlant si fort à travers le chalet que Rose s'était réveillée, effrayée. "Shhh ... shhh mon ange, ce n'est rien. C'est papa qui nous cherche. Tu veux lui dire bonjour ?" Leur princesse ne faisait pas encore ses nuits, pas tout à fait, alors jusqu'à minuit, Meredith n'éprouvait pas le besoin de maintenir un rythme trop strict. "Eugénie, vous pouvez disposer. Je me débrouillerai avec Rose pour ce soir." Leur nounou était compétente, et les déchargeait prodigieusement, mais l'instinct maternel de Meredith la rendait possessive et, régulièrement, elle renvoyait la Française à ses quartiers bien avant que Rose soit couchée.
C'est avec elle dans les bras qu'elle rejoignit d'ailleurs son époux : "Tu l'as réveillée. Que se passe-t-il ?"

"Elle était encore là, je viens juste de la renvoyer en t'entendant rentrer." Ce qui ne signifiait pas pour autant que leur nourrice serait tranquille jusqu'au lendemain matin : pour peu que Rose se réveille autour de 4h du matin pour un biberon, ce qu'elle faisait néanmoins moins souvent ces derniers jours, ce serait à Eugénie de la nourrir, Meredith ayant décidé aujourd'hui qu'elle allait devoir se ménager si elle voulait tenir le choc d'une deuxième grossesse tout en restant à la tête de Carmichaël Resort le plus longtemps possible. Cela ne ferait d'ailleurs pas de mal à Bennet non plus de profiter de quelques nuits de sommeil qui ne soient pas interrompues par un changement de couche - tâche qui lui était dédiée. "Je ne crois pas que Rose sera difficile à recoucher, regarde-la." Dans ses bras, leur fille frottait comme elle le pouvait ses yeux avec ses petites mains, se mettant au passage de temps en temps un doigt dans l'oeil. Meredith était toujours amusée de voir comme il pouvait être difficile pour un bébé d'effectuer les gestes les plus simples. Cela rendait leur petite princesse tellement adorable ... Comment ne pas craquer devant la petite bouche qui venait de s'ouvrir pour un bâillement digne d'un félin au milieu de la savane ? Dans un sourire, l'héritière s'adressa à Rose : "Petit ange, tu es fatiguée ! Tu dormiras dans les bras de maman, si tu veux. Viens, nous devons parler." Pour le coup, Meredith venait de s'adresser à son époux, alors même qu'il lui demandait si elles avaient passé une bonne journée. Sans lui répondre dans un premier temps, Meredith se dirigea vers une bibliothèque qu'elle adorait pour son atmosphère à la fois élégante et cosy, semblable d'une certaine manière à la maison de Boston, tout en combinant le style montagnard chic de la station. Son mari était décidément un homme de talent, mais avec le caractère qui allait avec, même si sa fille avait le don de le transformer en un autre homme. Meredith ne savait pas bien, de fait, comment elle allait aborder le sujet de sa grossesse inattendue ...
Dans un premier temps, elle s'installa dans un fauteuil confortable, bascula vers l'arrière pour se trouver en position semi-allongée, et installa Rose contre elle, en ventre à ventre. Selon Linoy, ça ne durerait sans doute pas, mais pour l'instant sa fille aimait s'endormir comme ça et elle ne s'en serait certainement pas plainte : elle aimait plus que tout sentir sa toute petite poitrine se lever et s'abaisser calmement, et que ses petits poings, dans son sommeil, accrochent ses vêtements. Une fois installée comme elle le souhaitait, elle répondit finalement à son mari, qui la regardait avec attention. "Selon Eugénie, Rose a eu une journée très calme. J'ai passé du temps avec elle pendant ma pause déjeuner, elle a bien bu. Et elle commence à vraiment bien maîtriser sa balle de préhension. C'est incroyable comme elle a fait des progrès en quelques jours." Tout en parlant, l'héritière jeta un regard attendri sur sa fille ... Comment elle en était fière. "De mon côté ... Les recrutements pour le nouveau directeur du Carmichaël Manhattan n'avancent pas comme je le voudrais. J'ai du mal à trouver le candidat idéal. Je suis retournée chez ma gynéco, aussi ... Elle voulait me revoir."

Elle n'a rien ? Comment cela ? Meredith ne venait-elle pas de dire à Bennet que Rose avait passé une excellente journée, et fait encore d'incroyables progrès ? Elle n'était pas la fille de ses parents pour rien et Meredith, même en sachant un peu impartiale, estimait que sa fille était déjà particulièrement intelligente. Elle consultait régulièrement des livres sur le développement du nourrisson, et leur fille cochait toutes les cases, souvent en avance ! Elle tenait sa tête depuis au moins une semaine. Pas trop longtemps, pas trop droite, mais les faits étaient là. Bennet était fréquemment le plus imbus de leur famille, Meredith trouvant finalement normal d'être au-dessus de la moyenne, mais pour une fois, père et mère se disputaient la fierté. Quoiqu'il en soit, la PDG de Carmichaël Resort venait de comprendre. Les hommes ... "Chéri, les gynécologues s'occupent des femmes. Et des adolescentes pubères. Rose voit un pédiatre, d'ailleurs son prochain rendez-vous est la semaine prochaine, et elle va parfaitement bien."
Meredith, en revanche ... Meredith allait parfaitement bien, elle aussi, si on parlait uniquement de la santé. Ce kyste était bénin, et on le lui avait retiré. C'était la grossesse qui la laissait perplexe. Elle avait cette certitude déjà ancrée tellement fort en elle, de vouloir garder le bébé, et en même temps des doutes tellement immenses sur la réaction de son époux. Comment oublier son attitude pendant sa première grossesse ? Passée l'annonce, il était devenu un monstre de surveillance et de stress, répétant qu'il ne voulait vivre ça qu'une fois. A se demander qui avait été enceinte, soit dit au passage. Cela étant, puisque retarder l'échéance ne changerait rien, Meredith se lança. "Rien de grave. Un kyste qu'elle avait détecté lors de ma visite de contrôle post-accouchement, et qu'elle m'a retiré. Pour le confort, je précise. Elle avait fait analyser un prélèvement." Face à elle, Bennet était blanc. Plus blanc que d'habitude. Ce qui relevait de l'exploit, compte tenu du fait que son mari n'était jamais bronzé, même lorsqu'ils allaient passer du temps en Italie. Autant ne pas le faire mariner plus longtemps, elle ne tenait pas à ce qu'il fasse une syncope, et gardait toujours dans un coin de sa tête ses problèmes de coeur. "Elle a trouvé autre chose, en faisant une échographie de contrôle. Une petite chose grosse comme un grain de riz." Un sourire venait de naître sur son visage, c'était plus fort qu'elle. "Apparemment, nous n'avons pas été assez prudents, et je suis à nouveau enceinte." Puis, elle lâcha ce qui était sans doute la plus énorme bombe. "J'aimerais le garder."